Régates de Sinagos, Marguerite au mouillage pavoisée, à droite l'arrière de Veneta
Ainsi tous les ans le départ des Grandes Régates est donné, en juillet ou en août En 1909 les régates locales sont données le 15 août , les régates internationales le 16. En 1910 c'est en juillet, pendant 3 jours. De nouveaux bateaux performants figurent au classement: Iris, Yette, Veneta, Annie, apparaissent dans les résultats. Iris est un" un-tonneau", construit en Angleterre, très souvent concurrent acharné de Chocolat lors des coupes du CVP (Cercle de la Voile de Paris) - qui deviendront par la suite la One Ton Cup -
en 1912, 30 juin mauvais temps, de nombreux yachts restent au port, Annie à M.Corfmat gagne le Prix de la Ville de Vannes.
en 1913, Pendant les Régates se déroule un exercice en mer pour le canot de de sauvetage de Port Navalo. C'est l'occasion comme à toute commémoration de Pompiers et Bénévoles divers de remettre médailles et prix. Il y a un Prix spécial du Président de la République , un vase de Sèvres ..
Puis 1914, la grande guerre ne devait être qu'une formalité.. " On les aura " disaient nos grands pères la fleur au fusil en partant au mois d'août, au moment des régates annuelles ... 4 ou 5 années, témoins de familles disloquées, de fortunes évanouies ,de commerces ruinés.. et puis la Société qui se relève, étonnée d'avoir survécue grâce au travail des femmes pendant que les hommes au front faisaient ce qu'ils pouvaient.. Des carcasses de bateaux encombrent les vasières puisqu'ils ne servent plus . D'ailleurs qui se soucie de la Plaisance ? La France est en guerre .
Cependant certains n'oublient pas leur passion puisqu' ils ne vivent que pour elle.
Je voudrai ici rendre hommage et raviver la mémoire de deux comparses: un Vannetais Louis Dyèvre ( 1868-1928) et Josèphe Guédon Bordelais ( 1862-1947). Ces deux architectes navals ont ensemble ou séparément dessiné les plus belles carènes de ces folles années de la Belle Plaisance . On parle souvent avec des tremolo dans la voix des trois générations de Fife, écossais, des frères Herreshoff de la cote Est des Etats Unis, et de tant d'autres en Angleterre( Payne) ,Norvège (Anker), Danemark ,Suède, Allemagne... En France nous avons aussi nos stars , ces deux là en font partie et il ne faut pas les oublier. Pas plus que le Capitaine Peigné, artilleur passionné d'architecture navale qui a signé de nombreuses coques figurant au meilleur palmarès de nos régates. Ainsi Epsilon, pratiquement imbattable dans sa série pendant 10 ans, 0,67 tx à voiles percées, une première. Propriété de Louis Dyèvre, il gagne devant Folichonne. . Ponnette, Margot, Yannic.. sont également de Peigné . Et puis Yette 2,5 tx magnifique bateau souvent cité dans nos colonnes : 1er plan de Dyèvre , supervisé par Guédon, Triton , 2,5tx plan Guédon, le 20 tx Yalc'hic, ancien Quand-Même au Duc Decazes, plan Guédon, notre célèbre Suzette 10 tx , plan Guédon, vainqueur de la Coupe de France en 1903. Chevrette 1tx ,inspiré d'un monotype de Guédon, Lotus plan Guédon 10 tx qui domine largement sa classe à Port-Navalo. Il n'y a pas de quoi rougir , sauf de plaisir.
Folichonne est intéressante. Yacht de 0,85 tx c'est un bateau légèrement différent et bien que construit dès 1895 chez Camus à Quimper sous le nom de Jane il préfigure la nouvelle architecture navale: le safran qui s'accroche trop souvent aux goëmons et engins de pêche, n'est pas suspendu mais fixé à la quille et puis le dériveur intégral fait place au dériveur lesté. Le gréement surtout est du type "bermudien". La voile n'est plus au tiers comme sur un gréement de type Houari, mais sur toute la hauteur du mât,sans vergue, comme cela se fait aux Bermudes, où ce gréement montre son efficacité . Mais pour cela il faut haubanner davantage, soutenir le mât avec haubans, galhaubans, faux étais ,barres de flèche, guignols en tête souvent . ..bref tout une armature qui de loin évoquait les antennes TSF que M. Marconi installait un peu partout. Du coup ce type de gréement devenait un mât " marconi" . C'est resté .
Louis Dyèvre a construit en 1900 pour son usage personnel selon la jauge de 1899 le un Tonneau¨Maita . Il voulait en faire un " bon petit cruiser des familles", Maïta est devenu au fil des régates un excellent concurrent qui a remporté de nombreux prix. Pour notre plus grand plaisir , la réplique de Maïta reconstruit au Guil en 1992 sera présente aux régates de 2014.
Après Maïta, c'est Fleur d'Ajonc en 1910 avec l'aide de Guédon, yacht de 8m50.. Et voilà , dès 1909 le YCF adoptait à la demande de plusieurs sociétés nautiques bretonnes et de Dyèvre en particulier le règlement d'une nouvelle série de petits bateaux de construction robuste et économique. Ainsi naitra la série des 6m50, et des 8m50 initiée par Dyèvre qui croyait au petits bateaux . D'ailleurs dès 1906 la nécessité de faire courir ensemble des bateaux de toute séries et de tout pays s'impose et une réunion très sérieuse se tient à Londres le 16 janvier de cette même année où deux projets s'affrontent : les Anglais, la Suéde, Norvège, Allemagne... adeptes de la jauge métrique et les deux français Dyèvre et Blanchy qui défendent la jauge tonneau et handicap français de 1899 que tous les autres balaient d'un mépris condescendant . Ainsi naitra la Jauge Internationale, avec un calcul typiquement british , ..que je ne peux m'empêcher de vous livrer . A vos calculettes , exercice intéressant en période de devoirs de vacances.
J = L+B + 1/2 G + 3 d + 1/3√S-F
2
Malgré l' invention danoise du facteur "d " un peu perverse puisqu'elle taxe avec simplicité et efficacité les déplacements légers, la formule est adoptée et la jauge sera métrique . Inutile de dire que nos deux émissaires ne sont pas accueillis en héros à leur retour dans les clubs français . Mais la formule fera son chemin , elle sera plusieurs fois modifiée par la suite pour aboutir aux 12 m JI de la Coupe de l'America et permettra de dessiner des bateaux d'une rare élégance
Et puis Dyèvre n'a pas tout perdu. Très attaché aux petites tailles, il est heureux de voir que les délégués des 11 nations maintiennent six classes de petites unités les 5, 6 7 ,8, 9 et 10 m avec une promotion particulière en faveur des 6, 8 et 10m Satisfaction dans le camp français puisque les nouveaux 6 m correspondent aux 1 tx de 1899 et les 8 m aux 2 tx1/2. Et c'est la majorité des bateaux qui courent en Morbihan.
Il me parait important de bien connaître ces histoires de jauge , car dans les années 1920, le paysage maritime change complètement. Aux mouillage se cotoient les anciens cotres 8m50 et les nouveaux 8m Ji avec gréément en tête de mat , plus efficace que les voilures divisées . Aux jeux Olympiques les 6m, 8m 10m 12 m raflent tout . La jauge métrique s'impose définitivement autour du 6m JI plus petit dénominateur commun ,et modifie l'architecture navale .
Dans le même temps les"monotypes nationaux" voient le jour. Encouragés par l'Union des Sociétés Nautiques Françaises pour servir au recrutement et à l'entrainement des équipages pour les Jeux Olympiques, ces bateaux tous identiques ont une dérive et un safran relevable , une aubaine pour la navigation dans le golfe . Sans doute les ancètres de nos Guépards .
Voila pourquoi aux résultats des régates de 1927, on remarque que les tailles des bateaux sont exprimées en mètres et que les 5m50 , bateaux plus économiques que les 6m sont classés SI ( système international et courent sous la règle du handicap national.)
L'année suivante 1928, compte rendu identique dans Ouest-Eclair
1935 TRES BELLE AFFICHE
Le 12m JI Vineta récemment acheté par Franck Guillet n'a pas de concurrent.
Il fera donc de la figuration comme France I aujourd'hui, autre 12m JI Challenger à l'America's Cup en 1970, 1974 et 1977
Noter la présence des Sinagos, des monotypes, les fêtes locales..
Tout comme aujourd'hui en 2014
Les régates de 1936 racontées par Franck Guillet
Cutty 8m JI , excellent dans la brise fera les délices de son propriétaire F Guillet et de son matelot Bonnou de l'Ile Tudy.
et puis 1939 Guerre Mondiale à nouveau . Tout s'arrête ou presque. Les bateaux sont remisés dans les vasières. Parfois on a des nouvelles de bateaux "d'avant" Ainsi le Pen Breiz, 8m50 S.I acheté en 1926 par M Alexandre Parent, sister ship de Breiz-Izel qui avait remporté la coupe de France de la série nationale des 8m50. Pendant la guerre le bateau est réquisitionné pour la distraction des officiers allemands qui le mettent au plein sur les buissons de Méaban ! c'est malin . Le bateau finira sur une vasière à Conleau.
Après guerre, 1945 , les rois de nos régates sont encore les 6m JI, ils sont au mouillage dans le golfe, magnifiques, puissants, tirant sur l'aussière tels des purs-sang en attente, en compagnie de quelques Dragons, nouvelle série due au Norvégien Anker.
Après Guerre , c'est aussi le Centre de Formation des Glénans, école française de voile crée en 1947 par les résistants Hélène et Philippe Viannay dans l'archipel des Glénan .Cette école mythique a connu une croissance et un véritable engouement auprès des jeunes attirés par le monde de la mer.Le Cours de Navigation des Glénans devient la bible du nautisme et l'association participe à la conception de voiliers d'enseignement: Jean Jacques Herbulot, Philippe Harlé deviennent les architectes des classiques Vaurien, Caravelle, Corsaire, Mousquetaire.C'est la démocratisation de la Plaisance. Les dériveurs envahissent les plans d'eau, Mousse, Caneton,Snipe,Fireball, Bélouga,Plate en V et les nouvelles coques plastic qui"planent" 420, 470, 505, Ponant.. Apparaissent aussi les "habitables" Muscadet, Cognac, Estuaire, Super Estuaire, Cap Corse, Plans Cornu 7m60, 9m30 , 11m50 arrière norvégien.. ..jusqu'au 18 juin 1964 où tout change à nouveau : Eric Tabarly sur son Pen Duick II entre dans la légende en remportant la Transat Anglaise! Les Français se découvrent Plaisanciers et le polyester facilitant bien les choses, les ports s'installent créant souvent une urbanisation improvisée.
Les régates continuent et concernent toutes les séries. Il y a du nouveau , le départ est maintenant donné par le coup d'un joli petit canon posé sur une dalle béton au dessus de la cale - aujourd'hui démolie, et nous n'en sommes pas encore remis - de la grande plage de Port-Navalo. Ce canon propriété de la SRV était tiré par Mr Méchin, grainetier à Vannes, Vice-Président puis Président de la SRV , il était surnommé " l'Amiral " C'était un personnage .
Les Régates du 24 juillet 1966 donnent lieu au dernier rapport officiel en notre possession
" Les régates de Port-Navalo furent courues par un beau temps et une brise d'ouest assez forte( force 4 fraîchissant 5)
110 bateaux y prirent part, pour la première fois fut établi un parcours olympique qui , malgré une apparente complication( notamment pour le jury) et ses relatives difficultés, emporta finalement l'adhésion enthousiaste de tous les participants, même ceux qui n'étaient pas accoutumés à un tel parcours. Quelques abandons et quelques chavirages, sans gravité, prouvèrent tout le mérite des équipages qui, pendant près de deux heures, luttèrent contre le vent et un clapot déjà formé. On put assister à de beaux départs groupés, la série des bateaux de la classe C et RORC forte de 37 unités( chiffre record) fournissant le meilleur spectacle.
Résultats
Vauriens 1er 4588 de Larminat 8e 10451 Valligant
2e 17778 Charron 9e 8794 Pernot
3e 11722 Mongardé 10e 8043 Schneider
4e 17846 Gahinet 11e 11789 Dourvert
5e 9681 du Cleuziou 12e 1438 Bondet
6e 13295 Creneguy 13e 11741 Vilmin
série 420
1er 6549 Meurisse 5e 3801 Ribault
2e 7247 Lagaffe 6e 2278 Joncquez
3e 3491 Dresse 7e 5573 Rinuy
4 e 5395 Schmid
série 470
1er 339 Buet 3e 1259 Chemineau
2e 2083 Frangeul 4è 547 Hérold
série Ponant
1er 2116 C.Lesquel
2e 2033 Forcinal
3e 1670 Guichard
4e 1536 Deschamps
5e 1803 Aussage
série Caneton Série 505
1er 2105 Lamour 1er 2036 Guillevic
2e 2209 Renault 2e 2096 Brabec
3e 1070 Pitard 3e 1596 Schryve
Dériveurs Classés
1er Fireball Lorber
2e Nordet Kergrohenne
Dériveurs non classés
1er F.Junior Berthou
2e F.Junior Salomon
3e Plein Vent Kergrohenne
Plates en V 1er n° 11 Crillon Corsaires 1er 1722 Pressard
2e 4 Evallet 2 e 1158 Le Floch
3e 2 Le Bihan 3e 142 Le Rohellec
4e 3 Blanchart 4e 2328 Meyer
5e 1889 Léger
6e 175 Milliard
Muscadets
1er n° 134 Lesquel 5e 75 Lagadec
2e 118 Pressard 6e 29 Flahault
3e 13 Molénat 7e 98 Hertz
4e 23 Le Chevalier 8e 120 Richard
Classe C 1er Dragon 156 Tattevin 6e Maraudeur Samuel
2e C 157 Bertin 7e Requin Labousse
3e Cap Corse 98 Masselin 8e Mousquetaire Renault
4e Dragon 102 9e C 225 Renaud
5e Liberté 101 Le Bert
R.O.R.C 1er Ste Anne Lunven
2e Tarann Méchin
3e F.du Lac de Gail
Cornu 7m60 1er 661 Lirzin 4e 755 Lorber
2e 490 Le Reste 5e 216 Franco
3e Vénète Davalo
Ces résultats vont permettre à certains de revivre ces bons moments.
Les années suivantes, les régates étaient encore présentes, organisées par la SRV , dans le cadre du Club de Voile de la plage . La SRV fournissait les jury,les équipages se formaient le matin et nous nous souvenons de tous ces dériveurs sur la plage , attendant le départ ,sous l'oeil attentif et bienveillant de la vedette des HSB. L'an dernier, à l'occasion des régates 2013 Alain Vibert a très bien raconté le déroulement de ces journées devenues au fil du temps plus décontractées. On était en plein dans les bonnes années du baby boom et Mai 68 arrivait. Il suffit de cliquer sur ce lien pour y accéder http://www.amisdeportnavalo.fr/archives/2013/07/23/27692833.html
Cette rétrospective des Grandes Régates nous a permis de survoler 120 ans de yachting, 120 ans de vie locale .C'est la plus ancienne fête populaire de Port-Navalo Arzon. Elle méritait d'être contée ne serait-ce que pour rendre hommage à tous ces architectes, chantiers, charpentiers, voiliers, équipages . Ils continuent de nous faire rêver et prendre conscience de l'extraordinaire richesse du patrimoine maritime que nous avons sous la main. Vive les Grandes régates de Port-Navalo !
HJ
partagez vos souvenirs : hervejan@amisdeportnavalo.fr
Maintenant, à nous de continuer à écrire la suite de cette histoire.