Ouest-France Lionel CABIOCH.Publié le 31/01/2023 à 07h15

« On essaie d’amener les sédiments secs pour les valoriser » : le désenvasement des ports passe à Vannes

Après les sédiments de dragage des ports de Sarzeau et Vannes (Morbihan), les lagunes commencent à accueillir les 65 000 m³ extraits du Crouesty. Ils seront traités et valorisés sur ce site. Explications.

Henri Angier, ingénieur à la Compagnie des ports du Morbihan, devant l’une des lagunes de Tohannic qui commence à accueillir les 65 000 m3 de sédiments issus du dragage du port du Crouesty à Arzon.
Henri Angier, ingénieur à la Compagnie des ports du Morbihan, devant l’une des lagunes de Tohannic qui commence à accueillir les 65 000 m3 de sédiments issus du dragage du port du Crouesty à Arzon. | OUEST-FRANCE

C’est un va-et-vient qui ne passe pas inaperçu ! Chaque jour, depuis le lundi 23 janvier 2023, quarante camions (soit un toutes les vingt minutes) quittent le port du Crouesty, à Arzon (Morbihan), chargés de sédiments issus du dragage du port, en plein désenvasement, et convergent vers le quartier de Tohannic, à Vannes (Morbihan). À l’arrière du Carrefour Market, difficile d’imaginer que se niche un site de cinq hectares composé de deux lagunes d’une capacité totale de 100 000 m³.

Quelles sont leurs particularités ?

C’est l’un des dix sites du genre en France « qui permet de retraiter de manière exemplaire les vases portuaires », précise le maire David Robo. La plateforme a d’ailleurs été la première Installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) de ce type à avoir vu le jour dans le Morbihan. Propriété de la ville de Vannes, le site est géré depuis 2019 par la Compagnie des ports du Morbihan, qui a confié le retraitement et le recyclage des sédiments à l’entreprise bretonne Solvador.

Comment fonctionne cette plateforme ?

Chaque jour, depuis lundi 23 janvier 2023, quarante camions (soit un toutes les vingt minutes) quittent le port du Crouesty, à Arzon, chargés de sédiments issus du dragage du port, et convergent vers les lagunes de Vannes. | OUEST-FRANCE

Elle a déjà reçu les sédiments de plusieurs dragages : les 28 000 m3 extraits de l’avant-port pour construire le tunnel de Kérino, en 2012 ; les 36 000 m³ du port de Vannes, en 2020 ; les 4 500 m³ de Saint-Jacques à Sarzeau, en 2022. Mais l’opération la plus importante restera celle du Crouesty avec 65 000 m³ qui seront extraits en deux phases, la première jusqu’en avril 2023 et la seconde, de novembre 2023 à avril 2024. « Ici, on essaie d’amener les sédiments les plus secs possible pour qu’au bout d’un an, ils puissent être valorisés. Il faut compter deux ans quand ils sont convoyés de manière hydraulique, comme ce fut le cas lors du dragage du port de Vannes car les sédiments aspirés arrivaient chargés d’eau de mer », explique Henri Angier, ingénieur à la Compagnie des ports du Morbihan.

Comment sont traités les sédiments ?

L’objectif du « séjour » des sédiments dans les lagunes est de les rendre valorisables. Ils sont donc retournés régulièrement de manière mécanique afin d’être « rincés » par la pluie et asséchés pour diminuer leur contenance en sel. « Des analyses sont réalisées avant leur transport puis au niveau des lagunes pour contrôler qu’ils ne subissent pas de dégradation », explique Michel Le Bras, directeur de la Compagnie des ports.

Comment sont valorisés les sédiments traités ?

« Ils n’ont pas vocation à rester stockés sur le site », insiste Nicolas Proulhac, directeur général de Solvador. Deux filières de valorisation existent pour le moment : l’amendement pour l’agriculture « car, à la sortie de la lagune, les sédiments ont un PH basique qui permet de rééquilibrer les sols » et l’aménagement paysager. Les vases de Kérino ont ainsi servi à construire des murs antibruit le long de la quatre voies à La Trinité-Surzur et à renforcer une digue à Séné.

Dernièrement, les merlons de l’aire de jeu de Tohannic ont aussi été réalisés avec ces matériaux recyclés. « En 2021, 80 % des sédiments ont servi d’amendement agricole et 20 % ont été transformés en aménagements paysagers. En 2022, c’était moitié-moitié avec 1 % pour la fabrication de béton et de briques… D’autres débouchés sont à imaginer. » Parfois même dans des domaines inattendus. La preuve… Une œuvre artistique à base de sédiments valorisés sera dévoilée en mars 2023, au musée de La Cohue.

Combien ça coûte ?

L’opération de dragage, de traitement et de valorisation des sédiments du Crouesty, par la technique du lagunage, est estimée à 5 millions d’euros. Soit environ 100 € le mètre cube. Le traitement à terre est quatre fois plus cher que le clapage en mer. Cette solution peut encore être utilisée par la Compagnie des ports en fonction de la qualité des sédiments portuaires. Mais elle reste beaucoup plus impopulaire…

Quelles perspectives pour les lagunes ?

Elles continueront à être gérées par la Compagnie des ports du Morbihan au moins jusqu’en 2029, date de fin de la concession. Elles pourront recevoir les sédiments issus des dragages d’autres ports. D’autant plus qu’un plan de dragage a été établi par le gestionnaire portuaire. Les lagunes ont été créées pour accueillir ce type de sédiments mais le site pourrait accueillir aussi des déchets non inertes et non dangereux.