Ouest-France Publié le 15/11/2023 à 21h43
Dans le golfe du Morbihan, le projet d’un grand hôtel sur l’île Berder n’aura pas lieu
Le Conseil d’État a rejeté le pourvoi en cassation de la mairie de Larmor-Baden (Morbihan). Celle-ci demandait que son Plan local d’urbanisme ne soit pas annulé. Si le projet de construction d’un complexe hôtelier sur l’île Berder semble désormais impossible, cette décision ne signe pas pour autant la fin du feuilleton judiciaire.
« C’est l’aboutissement d’un grand combat. Nous ne pouvons qu’être satisfaits », applaudit Jean Saurat. Le président de l’Association pour la qualité de la vie à Larmor-Baden (AQVLB) salue la décision du Conseil d’État qui a rejeté, le 10 novembre 2023, le pourvoi en cassation de la municipalité de Larmor-Baden (Morbihan). L’île Berder est au centre de ce nouvel épisode judiciaire. L’îlot privé de 23 hectares cristallise les tensions depuis son rachat par le promoteur breton Michel Giboire, après avoir été mis en vente par le groupe Yves Rocher, en 2012.
Si plusieurs recours ont été déposés par différentes associations contre l’OCDL Giboire qui souhaite ouvrir un hôtel sur l’île, il faut remonter à juin 2018 pour comprendre la portée de l’arrêt du 10 novembre 2023. Le 4 juin 2018, le conseil municipal de Larmor-Baden valide le Plan local d’urbanisme qui prévoit le classement d’une partie de Berder en zone Nt (zone naturelle de protection des espaces naturels), ce qui rendait possible « une extension non limitée de l’urbanisation dans les espaces proches du rivage » et autorisait l’agrandissement des « constructions existantes sans exiger qu’il s’agît exclusivement de bâtiments d’habitation », comme le rappelle l’arrêt. « On indiquait que l’île pouvait accueillir du public et avoir une activité économique en lien avec lui », résume Denis Bertholom, le maire de la commune.
« Espace remarquable »
« Si nous nous sommes opposés au projet, c’est à cause de l’extension excessive de l’emprise au sol. Le PLU autorisait l’accroissement de 30 % de la surface des bâtiments », explique le président de l’AQVLB. Cette dernière dépose alors un recours devant le tribunal administratif de Rennes, qui annule partiellement le PLU en juillet 2021.
Plusieurs structures, dont la Fédération des Associations de défense de l’environnement du golfe du Morbihan, les amis du golfe du Morbihan et les amis des chemins de ronde du Morbihan, saisissent la cour administrative d’appel (CAA) de Nantes (Loire-Atlantique) pour obtenir l’abrogation totale du PLU. Le 22 novembre 2022, la CAA ne donne raison ni aux opposants ni à la municipalité, qui souhaitait le maintenir dans son intégralité. Mais considère l’île comme un « espace remarquable », dans sa totalité.
C’est cette décision que conteste la municipalité et qui l’a conduite à se pourvoir en cassation devant le Conseil d’État. Si « toutes les dispositions du PLU, qui visaient à urbaniser Berder, sont définitivement annulées », selon Jean Saurat, le classement de l’île en « espace remarquable inconstructible » ne signe pas pour autant la fin du feuilleton judiciaire ou du projet hôtelier, d’après le président de l’AQVLB. « Sachant que le permis de construire de l’hôtel, qu’on a aussi attaqué, a été établi en fonction des possibilités de ce PLU, il est clair que le projet d’origine ne pourra plus se faire et que le permis n’existera plus tel quel. Mais le groupe Giboire peut toujours rénover les bâtiments existants et y installer un hôtel de taille réduite », estime Jean Saurat. L’association ne s’opposerait pas à cette initiative, ajoute-t-il.
Des procédures en cours
Une éventualité qui laisse le maire sceptique. « Si vous faites un hôtel avec le bâti existant, il ne répondra pas aux normes de sécurité et d’hébergement des salariés. Qui plus est, si vous avez peu de chambres et de salles, l’établissement ne sera pas rentable », souligne Denis Bertholom. Ce dernier affirme prendre acte de la décision du Conseil d’État et se réjouit que l’ensemble du PLU n’ait pas été annulé : « Il est entériné dans d’autres secteurs de la commune. » L’élu regrette cette perte d’opportunité pour le village : « On est sur un territoire qui manque de logements d’accueil et d’hôtellerie. Cet espace aurait créé de l’emploi. À côté de cela, on ne fait rien contre les Airbnb. On n’est pas des bétonneurs, seulement des personnes qui essaient de prévoir l’avenir de leur commune. »
Plusieurs affaires sont toujours en cours. Le 1er décembre 2023, le tribunal administratif de Rennes doit par exemple décider du sort d’une autre bâtisse, la petite pêcherie. D’après Marie-Armelle Echard, présidente des Amis des chemins de ronde, « c’était une ancienne écurie que le propriétaire veut transformer en deux appartements. Mais on ne peut pas changer la destination d’un bâtiment situé sur le domaine maritime. »
Le groupe Giboire indique quant à lui « prendre acte » de la décision du Conseil d’État. Il ne souhaite pas « faire de commentaires dans l’immédiat et attend la décision du tribunal sur le permis de construire ».